Quelque soient vos raisons, à un moment donné, vous confierez un téléphone portable à votre enfant. Par nécessité, par commodité, par pression sociale, par volonté… Dans tous les cas, cela doit se faire dans le cadre d’un accompagnement de votre part. Et qui dit accompagnement, dit connaissance du sujet.
Et c’est souvent là que le bât blesse : l’usage d’un « téléphone portable » n’est pas le même pour un adulte que pour un adolescent. Déjà parce que ledit téléphone ne servira presque jamais à téléphoner.
Nous-mêmes n’ayant pas eu de smartphone à l’adolescence, nous ne savons simplement pas de quoi nous parlons. Hé oui, rappelez-vous. Le premier iPhone, c’était en 2007. Vous aviez quel âge en 2007, vous ?
Contrôle ou pas contrôle ?
Il y a plusieurs écoles. D’un côté, ceux qui ont effectué une sensibilisation en amont, avec un regard critique précoce sur l’emploi du numérique. Couplé à une confiance en son enfant, cela peut, pour certains, justifier l’absence de garde-fous sur le téléphone.
À ces parents-là, il est nécessaire de rappeler que l’ordiphone (comme il convient de le nommer) est un objet d’intrusion dans l’intimité et qu’il demeure extrêmement difficile de connaître la capacité d’un ado à se protéger d’éventuelles agressions qui le poursuivraient désormais jusque dans sa chambre, lieu qui était jusqu’alors un cocon de sécurité affective.
A vous d’élaborer vos propres règles. Mais si cela se révélait difficile, des outils peuvent vous aider.
Et pour d’autres, la question ne se pose pas : il faut bloquer, empêcher d’aller sur certains sites, interdire de télécharger certaines applications, réguler le temps d’exposition aux écrans et même surveiller chaque activité, déplacements compris, d’un enfant que l’on désire avant tout protéger.
Entre les deux, il est possible de régler le curseur et, dans tous les cas, de lâcher un peu de leste au fil du temps. Car quand l’ado aura 18 ans, vous ne pourrez juridiquement plus rien contrôler 😉
Dans tous les cas
La toute première recommandation, c’est de ne surtout pas refiler votre propre ordiphone (ou tablette) sans avoir pris quelques mesures indispensables :
- Supprimer toutes vos données personnelles en réinitialisant l’appareil dans sa configuration d’origine
- Si vous devez utiliser un compte (Google, Apple…), créez-en un nouveau : n’utilisez surtout pas le vôtre, n’utilisez pas non plus un compte que votre enfant aurait déjà utilisé par le passé. Dans ce nouveau compte, n’entrez aucune information personnelle, même si vous serez invité à le faire. Pas de nom, prénom, date de naissance. Rien. Et paramétrez le compte pour éviter la collecte de données à des fins publicitaires.
- Effectuez toutes les mises à jour qui vous seront proposées pour absolument toutes les applications présentes sur l’appareil
- Supprimez ou désactivez toutes les applications publicitaires et réseau-sociales pré-installées (Temu, Candy Crush, Facebook…)
- Dans l’idéal, désactivez les applications de base et remplacez-les par des applications libres, y compris l’appareil photo, la galerie, le lecteur audio et même le traitement de texte, l’appli téléphone et l’appli SMS. Protégez votre enfant car il ne le fera pas de lui-même.
Application Android | Application Libre |
---|---|
Téléphone | Fossify Dialer |
Messagerie SMS | Quik |
WhatsApp Messenger Telegram | Signal |
Contacts | Fossify Contacts |
Appareil photo | Open Camera |
Gestionnaire de fichiers | Fossify Files Material Files |
E-mails | Thunderbird Fairemail |
Navigateur internet | Firefox (avec ublock Origin) |
Galerie photo | Fossify Galery |
Suite bureautique | Collabora Office |
Lecteur de documents | Libre Office Viewer |
Liseuse de PDF | Mupdf |
Phone Link | KDEConnect LocalSend |
Lecteur vidéo Lecteur audio | VLC |
S’il faut éviter à tout prix d’utiliser votre compte, c’est parce qu’un jour, vous ne savez plus quand, vous avez visité des sites dont vous ne parleriez ni à votre enfant ni à votre mère. Sisi. Rappelez-vous. C’est enregistré dans votre compte. Google n’a pas oublié. Google n’oublie rien. Google ne supprime pas vos données, même si vous en avez fait la demande. Il ne manquerait plus que votre enfant accède à votre historique…
Et dans le même esprit : le compte qui servira à paramétrer le téléphone ne devra servir qu’à cela. Créez un compte pour le téléphone et une autre adresse e-mail pour communiquer avec votre enfant (et tant qu’à faire : pas sur Gmail ou Hotmail ou iCloud). Il pourra conserver l’adresse e-mail de contact s’il le souhaite, mais celle qui aura servi au paramétrage du téléphone devra être fermée quand votre enfant aura atteint sa majorité. Car Google n’oubliera jamais les sites qu’il va visiter pendant son adolescence.
Évitez Family Link autant que faire se peut
L’application de Google nommée Family Link n’est à utiliser que si votre enfant est un délinquant multirécidiviste qui a besoin d’une surveillance renforcée de la part de la DGSI. Sinon elle n’est pas pertinente.
En effet, cette application active automatiquement toutes les options de surveillance de l’appareil : position GPS en temps réel, écoute des conversations, écoute y compris lorsque le téléphone est en veille, temps d’utilisation de chaque application, apprentissage de la manière de s’exprimer à l’oral comme à l’écrit, profilage, surveillance des contacts (vous compris)…
Votre enfant n’est même pas majeur que tous les publicitaires et toutes les dictatures du monde savent déjà ce qu’il fait, ce qu’il aime, ce qu’il écoute, avec qui il discute…
Non, franchement, épargnez cela à votre enfant. Il est pur et innocent. Il n’a rien demandé.
Il y a des alternatives.
Restreignez certaines applications à la demande
A ce jour, l’application libre et éthique qui semble se démarquer se nomme TimeLimit. Elle est disponible sur F-Droid.
Elle permet de classer les applications dans des groupes et d’attribuer à chaque groupe un temps maximal d’utilisation quotidien et/ou hebdomadaire (par exemple : 1h par jour du lundi au vendredi et/ou 5h du samedi au dimanche et/ou pas plus de 7h du lundi au dimanche.
Vous devez créer au moins 3 groupes :
- le groupe totalement bloqué (0h par jour)
- le groupe que vous voulez réguler (à vous de juger)
- le groupe que vous laissez totalement libre (pas de limite de temps)
Dans le groupe totalement bloqué, vous pourrez mettre les paramètres du téléphone, les paramètres du compte Google, le PlayStore et F-Droid (sinon l’ado pourra désinstaller TimeLimit) puis les applications publicitaires que vous n’avez pas réussi à désinstaller et les applications intégrées à Android que vous voulez remplacer par des alternatives libres.
Dans le groupe à réguler, des applications comme les jeux ou les réseaux sociaux si vous souhaitez que votre enfant ne consacre pas plus de 2h par jour, par exemple, à ce type d’activité.
Et dans le groupe libre, donc sans limite, les applications indispensables comme le téléphone, les SMS, les e-mails peut-être ?
A vous de voir.
La version de base nommée TimeLimit.io permet, moyennant un abonnement, de gérer les autorisations à distance. Sinon il y a un dérivé totalement gratuit mais qui ne fonctionne qu’en local (vous devrez avoir l’appareil de votre enfant dans la main pour lui autoriser du temps supplémentaire). Les réglages sont protégés par un mot de passe que, bien évidemment, votre enfant ne devra pas connaître.
Notez que la protection offerte par cette application n’est pas parfaite. Mais si votre enfant parvient à la déjouer, franchement, félicitez-le car ça sera bien mérité.
Plutôt que le filature, demandez un SMS
Si l’ado perd son téléphone, c’est sûr que c’est embêtant. L’application FMD Find My Device, sur F-Droid, permet d’envoyer un SMS pour recevoir les coordonnées GPS de l’endroit où se trouve le téléphone. Si cet emplacement vous semble suspect, vous pouvez envoyer un SMS pour éteindre, bloquer voire réinitialiser le téléphone. C’est largement suffisant.
Pas la peine d’espionner votre enfant en temps réel.
Il a une vie et vous aussi.
Et pour le reste…
Si restreindre quelques applications et localiser l’appareil en cas d’urgence ne vous semble pas suffisant, posez-vous la question. Votre enfant est-il vraiment prêt à avoir un ordinateur de poche ? Avez-vous suffisamment confiance en lui ? Avez-vous fait toute la sensibilisation préparatoire nécessaire ?
Car clairement, on ne doit pas laisser un enfant partir avec un ordiphone si on n’a pas confiance.
Rien ne vous oblige à cela.
Vous pouvez résister et apprendre à votre enfant à résister, car à 11 ans, 13 ans, 15 ans, 18 ans ou même 40 ans, un ordinateur de poche n’est absolument pas indispensable et ne devra jamais l’être.
Si vous avez juste besoin de l’appeler pour savoir s’il a raté son bus, prenez un modèle basique sans écran tactile à 40€. De toute façon il n’aura pas le droit de l’utiliser pendant les cours. Gardez vos sous pour lui payer un bon ordinateur qui l’accompagnera dans sa scolarité. Ca sera d’ailleurs suffisant pour communiquer avec ses potes, jouer et regardez des vidéos lorsqu’il sera à la maison. Prenez un ordinateur portable s’il va régulièrement chez Mamie et qu’il a peur de s’ennuyer.
Sans configuration, sans préparation et sans intérêt objectif, un téléphone portable pour un ado c’est comme Gulli pour un enfant : c’est rigolo mais on passe plus de temps à regarder de la publicité qu’autre chose.
Rien ni personne n’a le droit de vous contraindre à faire de votre ado un bon petit consommateur.